Conseil général de l’Hérault.
Suite de la séance du 2 septembre (1).
Présidence de M. le sénateur Michel Chevalier
Un autre rapporteur de la même commission continue en ces termes :
« Vous avez sans doute été surpris de lire, dans le rapport de M. le préfet, que, sur les 1 700 000 tonnes de combustible minéral qui se consomme dans la méditerranée, les bassins français en fournissent à peine 40 000 tonnes, et que le contingent des houillères de l'Hérault ne dépassait pas 46 381 tonnes, c'est-à-dire 2 p. 100 de la consommation totale de cet immense marché, que leur position topographique semblerait cependant lui permettre d'alimenter presque à l'exclusion des autres mines, et surtout des mines anglaise.
« La nature, il faut le reconnaître, s'est montrée prodigue vis-à-vis de nos voisins d'outre-Manche ; leurs bassins houillers sont tous admirablement situés ; leurs couches d'une très grande régularité, et la nature de leur charbon généralement bonne. Mais, à ces avantages naturels, les Anglais ont su ajouter ceux, non moins grands, de moyens de transport nombreux, faciles, économiques.
« Tous leurs bassins sont sillonnés de canaux et de chemins de fer ; sur les premières de ces voies de transport, les droits de navigation sont nuls et le fret insignifiant ; sur les voies ferrées, les tarifs sont extrêmement réduits.
« Malheureusement, les bassins français sont encore loin d'être dotés des mêmes avantages, et le bassin de Graissessac est, de tous, le plus dépourvu de moyens d'écouler ses produits.
« Ce bassin présente, en effet, cela de particulier qu'un chemin de fer construit dans le but à peu près exclusif du transport de ses charbons a été arrêté sur une de ses limites, au lieu de le traverser sur toute sa longueur du Bousquet à Castanet-le-Haut, de sorte que la plus grande partie des exploitations de ce gîte houiller ne peuvent arriver sur ce chemin de fer qu'après un long et coûteux parcours sur essieux, ou n'y arriveront avec facilité qu'après avoir construit des embranchements.
« Cette dernière condition, qui, de prime-abord, paraît la plus rationnelle et la plus économique, est cependant loin de l'être en pratique, et vous vous rendrez compte de ce fait, si vous voulez bien remarquer qu'aucun de ces embranchements, pris isolément, ne saurait être exploité économiquement, tandis que, concentrés dans les mêmes mains qui détiennent la ligne principale, ils seraient productifs.
« À ce défaut capital d'être une ligne inachevée, le chemin de fer de Graissessac à Béziers joint l'inconvénient énorme d'éloigner, par le vice de son tracé, les charbons de leur débouché naturel et le plus important, la Méditerranée ; et il couronne l’œuvre en appliquant aux houilles, marchandise extrêmement pauvre et d'un transport des plus faciles, un tarif plus élevé que celui appliqué, sur toutes les autres lignes, à des marchandises riches ou encombrantes.
« Voilà une des causes qui font que les mines de votre bassin principal s'écouleront difficilement.
« Vous avez remarqué également que le chiffre de la production, loin d'augmenter, allait en baissant depuis deux ans, et la campagne présente, tout le fait craindre, sera plus mauvaise encore que les deux qui l'ont immédiatement précédée.
« Les houillères, en général, produisent une proportion de menu dépassant 50 %. Celles de la Loire, du Centre, du Gard, de l'Aveyron, etc., ont, à leurs portes, de ces grandes usines qui, consommant sur place tous les menus de qualité trop inférieure pour pouvoir supporter les frais d'un transport, permettent à l'exploitant d'augmenter, d'une façon à peu près illimitée, sa production de gros dont le placement est toujours facile et suffisamment rémunérateur, de sorte que, pourvu que le menu soit écoulé à peu près au prix de revient, la mine doit forcément se développer.
« Dans les bassins de l'Hérault, aucune usine ne brûle le menu qu'il faut, dès lors, écouler au loin à des prix trop souvent insuffisants, et comme les débouchés pour cette qualité manquent, d'ailleurs, il se produit vite un encombrement d'une partie du produit de l'exploitation. De là, impossibilité d'augmenter la production : car, il ne faut pas l'oublier, chaque tonne de grosse houille, dont la valeur est telle qu'on peut l'écouler au loin, est accompagnée, dans l'exploitation et dans les conditions les plus favorables, d'une tonne de houille menue de trop basse qualité pour qu'on puisse l'écouler à des prix rémunérateurs, avec les tarifs actuels du chemin de fer du Midi.
« Voilà la seconde cause qui empêche l’exploitation des houilles de se développer. Vous le voyez, ces deux causes ont pour origine l'inachèvement du chemin de fer de Graissessac à Béziers et les tarifs trop élevés appliqués à une marchandise extrêmement pauvre.
« Aussi devons-nous, c'est du moins l'impression de votre commission, exprimer ce double vœu de voir le bassin de Graissessac traversé, sur toute sa longueur, par un chemin de fer, et d'obtenir une réduction sur les tarifs appliqués au transport des houilles en général, mais notamment aux houilles menues. » – Adopté.
[…]
