Cours d'assises dans le midi
Hérault
Audience du 10 février. – Tentative d'assassinat. – Deux affaires étaient hier soumises au jury. À l'audience du matin comparait le nommé Bouisset François, né à Castanet-le-Haut (Hérault), domicilié à Montpellier, âgé de 67 ans, homme de peine. Il est accusé d'avoir tenté de donner volontairement la mort au sieur Chauliac Célestin, dans les circonstances suivantes :
Le 9 janvier dernier, vers cinq heures et demie du soir à Montpellier, le sieur Chauliac Célestin, négociant en grains, descendait de voiture avec son parent le sieur Chauliac Antoine, en face de sa remise, cours Gambetta, n°15. N'ayant pas la clef sur lui, il se dirigea vers son domicile pour aller la prendre. À peine avait-il fait quelques pas qu'un individu caché dans une encoignure de porte tira sur lui un coup de revolver à bout portant. La balle heureusement passa entre le bras droit et le corps sans atteindre Chauliac. L'agresseur voulut faire feu une seconde fois, mais il ne tira pas, ne pouvant viser Chauliac qui était dissimulé derrière son cousin. Poursuivi aussitôt, il fut arrêté par la police. C'était l'accusé Bouisset François qu'il avait eu à son service pendant 5 ou 6 ans comme homme de peine et qui était parti volontairement pour un motif des plus futiles. C'est la misère qui a poussé Bouisset à cet acte de désespoir. Depuis quelques mois, il exprimait hautement son intention de tuer quelqu'un et de se donner la mort ensuite.
En conséquence, le susnommé est accusé d'avoir tenté de donner volontairement la mort au sieur Chauliac Célestin et ce avec préméditation et guet-apens.
L'accusé ne manifeste à l'audience aucun repentir, concernant la tentative criminelle dont il s'est rendu coupable. Il avait l'intention bien arrêtée de tuer Chauliac. Ses réponses provoquent souvent dans la salle, l'hilarité générale : « un homme pour lequel j'ai volé, pendant que j'étais à son service, près de 4 000 fr., n'aurait pas dû me laisser dans l'alternative de crever de faim, dit-il au président. » À diverses reprises il interrompt la victime au cours de sa déposition. Le témoin ne dit pas la vérité d'après lui. « Je voulais vous avoir touché plus sérieusement, répliqua Bouisset, je ne serai pas ici aujourd'hui. Nous serions tous deux dans la terre. »
Après le réquisitoire de M. Rey, substitut du procureur général, la parole est donnée à Me Hagueneau, qui réclame en faveur de son client un verdict d'acquittement.
Les débats sont clos à midi moins le quart. Son défenseur faisant remarquer à Bouisset que le verdict du jury pourrait être affirmatif à son encontre, l'accusé de répondre : « Si je suis condamné je dirais trois ou quatre paroles. »
Le jury revient de la salle de ses délibérations avec un verdict affirmatif sur la question principale, négatif sur les circonstances aggravantes. Il a été admis en outre en faveur de l'accusé des circonstances atténuantes.
En conséquence, la cour condamne Bouisset à la peine de cinq ans de réclusion.
