Le Président de la République française,
Sur le rapport des ministres du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes, de l'intérieur, des finances et de la guerre ;
Vu la loi du 8 mars 1875 et les décrets des 24 août 1875 et 28 octobre 1882 sur la poudre dynamite ;
Vu la demande formée par la société des mines de houille du bassin ouest de Graissessac, à l'effet d'être autorisée à établir un dépôt de dynamite de deuxième catégorie sur le territoire de la commune de Castanet-le-Haut (Hérault) ;
Vu les plans annexés à ladite demande et les pièces de l'enquête à laquelle il a été procédé ;
Vu l'avis du préfet de l'Hérault ; Vu l'avis du comité consultatif des arts et manufactures ;
Décrète :
Art. 1er. – La société des mines de houille du bassin ouest de Graissessac est autorisée à établir un dépôt de dynamite de deuxième catégorie sur le territoire de la commune de Castanet-le-Haut (Hérault), sous les conditions énoncées aux articles suivants.
Art. 2. – Le dépôt sera établi dans l'emplacement marqué sur le plan d'ensemble produit par la société pétitionnaire, lequel plan restera annexé au présent décret.
Il sera installé dans une chambre latérale creusée au fond de la galerie d'accès, à une distance de l'entrée telle que la couche de terrain recouvrant la chambre du dépôt ait une hauteur de 30 mètres.
Art. 3. – Deux portes solides en menuiserie pleine, munies de serrures de sûreté, seront placées l'une à l'entrée de la galerie, l'autre à l'entrée de la chambre du dépôt.
Des évents, fermés par une toile métallique, seront ménagés au-dessus des portes pour assurer la ventilation.
Deux barrages en maçonnerie d'un mètre d'épaisseur et distants de cinq mètres seront établis dans le fond de la galerie, après la chambre du dépôt ; leur intervalle sera rempli de terre soigneusement pilonnée. La chambre du dépôt sera recouverte d'une voûte en maçonnerie.
Le sol sera soigneusement dallé et les parois seront recouvertes d'un enduit propre à préserver la dynamite contre l'humidité.
Un logement de gardien sera établi à proximité du dépôt.
Art. 4. – Avant que le dépôt puisse être mis en service, les travaux devront être vérifiés, sur l'ordre du préfet du département, par un ingénieur des mines ou des ponts et chaussées qui, avec le concours d'un ingénieur des poudres et salpêtres délégué par le ministre de la guerre, s'assurera que toutes les conditions ci-dessus ont été remplies, et, sur le compte qui lui sera rendu par ces ingénieurs, le préfet autorisera, s'il y a lieu, la mise en service du dépôt. Avis de cette mise en service sera donné au ministre du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes.
Le dépôt sera en outre, au point de vue technique, soumis en tout temps au contrôle des ingénieurs des poudres et salpêtres, sans que l'assistance de l'autorité municipale soit nécessaire.
Art. 5. – La quantité maximum de dynamite que le dépôt pourra recevoir est fixée à cinquante kilogrammes.
Art. 6. – La manutention du dépôt sera confiée à des hommes de choix.
Les caisses contenant les cartouches de dynamite ne devront être ouvertes qu’en dehors de la chambre du dépôt.
Les matières inflammables autres que la dynamite, et spécialement les amorces fulminantes, la poudre, les matières en ignition, les pierres siliceuses, les outils en fer seront formellement exclus du dépôt et de ses abords.
La porte extérieure ne sera ouverte que pour le service du dépôt, et ce service ne se fera que de jour.
Le dépôt sera placé sous la surveillance d'un agent spécialement chargé de la garde.
Les personnes appelés à entrer dans le dépôt devront, pour s'éclairer, faire usage de lampes de sûreté ou de lanternes construites de manière à empêcher tout contact de flammes ou projection d'étincelles ; ces lampes ou lanternes ne pourront être introduites dans la chambre du dépôt.
La porte extérieure du dépôt sera mise en communication électrique avec le logement du gardien de telle sorte que l'ouverture de cette porte ou même la simple rupture des fils détermine le fonctionnement d'avertisseurs placés dans la maison.
Une consigne, affichée dans le logement du gardien, fixera les mesures à prendre dans les diverses circonstances qui peuvent se présenter.
La personne qui délivrera la dynamite aura à justifier à toute réquisition du préfet, de ses délégués et des agents de l’administration des contributions indirectes, de l'emploi de cet explosif. À cet effet, elle devra tenir un registre coté et paraphé par le maire, sur lequel elle inscrira jour par jour et sans aucun blanc :
1° Les quantités introduites et la date de leur réception ;
2° La date des livraisons faites aux ouvriers pour un usage immédiat ;
3° Les quantités qui leur ont été livrées ;
4° Les noms, prénoms et demeures de ces ouvriers.
L'emploi de la dynamite délivrée aux ouvriers sera en outre rigoureusement vérifié.
Art. 7. – Dans le cas où des négligences seraient constatées dans l’exploitation, la suppression du dépôt pourra être prononcée dans les conditions déterminées par l'article 9 de la loi du 8 mars 1875 sur la poudre dynamite.
Art. 8. – La société permissionnaire sera tenue d’emmagasiner les caisses de cartouches de dynamite de manière à éviter l'encombrement et à faciliter aux employés des contributions indirectes leurs vérifications ; elle devra fournir à ces employés la main-d’œuvre, les poids, les balances et autre ustensiles nécessaires à leurs opérations.
Art. 9. – En cas de guerre et à la première réquisition de l'autorité militaire, la société permissionnaire devra évacuer, sur le point qui lui sera indiqué, la dynamite renfermée dans le dépôt, à moins que cette dynamite ne soit requise par ladite autorité.
Si l'évacuation n'est pas opérée dans le délai prescrit, la destruction de la dynamite pourra être ordonnée, sans qu'il en résulte pour la société permissionnaire aucun droit à indemnité.
Art. 10. – Le délai accordé à la société permissionnaire, sous peine de déchéance, pour l'installation du dépôt, est fixé à six mois à partir du jour de la notification de l'autorisation.
Art. 11. – À toute époque, l'administration supérieure pourra prescrire telles autres mesures qui seraient jugées nécessaires dans l'intérêt de la sécurité publique ou de la défense nationale.
Art. 12. – La société permissionnaire devra d'ailleurs se conformer à toutes les dispositions de la loi du 8 mars 1875 et des décrets des 24 août 1875 et 28 octobre 1882 sur la poudre dynamite, ainsi qu'aux lois et règlements existants ou à intervenir et régissant les établissements dangereux, insalubres ou incommodes.
Art. 13. – Les ministres du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes, de l'intérieur, des finances et de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois et publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 10 avril 1895.
Signé : Félix FAURE
Le Ministre du commerce, de l’industrie, des postes et des télégraphes,
Signé : ANDRÉ LEBON.
Le Ministre de l'intérieur,
Signé G. LEYGUES.
Le Président du Conseil, Ministre des Finances,
Signé : A. RIBOT.
Le ministre de la guerre,
Signé : Gal ZURLINDEN.